Quand j’ai décidé de parler de ma pelade et de me raser la tête, parce que je n’avais plus assez de cheveux, il y a deux ans, plusieurs personnes autour de moi ont douté. Douté de la pertinence de cette prise de parole. Douté de ma capacité à faire face au jugement des autres. Douté de cette image lisse que je projetais et qui allait peut-être être ternie. Je l’ai su. Je l’ai senti. Pourtant, une force plus grande que moi m’a poussée à le faire. Je ressentais le besoin d’écrire sur le sujet et d’en parler, même si je savais à quel point c’était risqué, pour ma carrière de chanteuse et comédienne.
Aujourd’hui, mes cheveux ont repoussé, assez pour que je sois capable de travailler sans mettre de prothèse. Je suis chanceuse et rassurée. Ce n’est toutefois pas gagné. La nuque est toujours rebelle (ça ne pousse pas encore) et j’ai encore quelques plaques, que je réussis à cacher avec le reste de mes cheveux. J’ai essayé tellement de trucs que je ne sais pas trop ce qui fonctionne; je serais bien embêtée de donner des conseils. Je me sens un peu loin de tout ça, parce que j’ai retrouvé une vie normale (ou presque, je pourrai en reparler ultérieurement). C’est aussi la raison de mon silence ici. Or, la semaine dernière, j’ai reçu ce témoignage d’Alexandre, un homme qui vit de l’autre côté de l’océan, qui m’a beaucoup touchée. J’ai demandé à l’auteur si je pouvais le partager et il a accepté. À lire!
« Bonjour,
On ne se connaît pas, j’espère ne pas vous importuner avec ce message et je vais essayer de ne pas faire trop long. Mais j’ai besoin de vous dire Merci ! Je m’appelle Alexandre, j’ai presque 35 ans et de nombreux combats. Comme vous, me semble t-il, l’un de mes combats est celui pour le droit à la différence, un combat dans la marche vers l’égalité des droits. Je suis professeur des écoles, j’enseigne à des enfants (de 5 à 12 ans) aux troubles envahissants du développement. J’entame une troisième année avec la plupart d’entre eux, certains ont rejoint le navire en cours de route. Lorsque je les ai trouvés, certains été abîmés, d’autres cassés, ils avaient perdu confiance en eux, certains ne communiquaient pas par la parole… Je me suis battu pour qu’ils soient visibles, qu’on les accepte au sein d’une école classique, qu’on voie que leur présence est également bénéfique aux autres (en France, nous sommes très en retard sur l’éducation des enfants en situation de handicap et dans le département dans lequel je vis, l’ouverture d’esprit n’est pas la qualité la plus répandue). Ils se sont battus avec moi pour reprendre confiance, s’accepter tels qu’ils sont, apprendre à compter, à calculer, à lire, à écrire, à sourire.
Aujourd’hui, ce sont des lumières, ils l’étaient déjà, il fallait simplement les aider à retirer le voile qui se trouvait dessus. Ils sont brillants de leur joie de vivre, de leur empathie, de leurs intelligences multiples. Aujourd’hui, c’est moi qui suis un peu cassé, abîmé… Ils ne le savent pas, je les protège de tout ça, je leur ai dit que j’avais eu envie de me couper les cheveux et que la prochaine fois, j’essaierai la « boule à zéro » parce que j’ai envie de voir ce que ça donne sur moi ! Ils ne le savent pas, mais ils font partie de ceux qui m’aident à retrouver ma lumière, ma confiance, ma force. Je leur montrerai le clip de cette belle chanson d’Anne-Lune, « On est tous différents » et je me permettrai, si vous le voulez bien, de leur dire que c’est la chanson d’une amie.
Il y a deux mois de cela, j’avais une belle barbe brune et des longs cheveux bruns qui commençaient à grisonner. Je ne vais pas refaire l’historique de ma pelade mais aujourd’hui, j’ai les cheveux très fins, blancs et le crâne parsemé de trou. Ma tondeuse attend dans le tiroir du meuble de la salle de bain que je trouve le courage de la mettre en marche. Je suis un homme et je sais combien il est plus facile pour un homme que pour une femme de se raser la tête. Je sais combien la société est beaucoup plus exigeante avec le physique des femmes qu’avec celui des hommes. Pour autant, j’ai beaucoup de mal à entendre des choses du style : » T’es un mec, rases toi la tête et puis voilà! ». Lorsqu’une personne me dit cela, je me dis qu’elle n’a aucune idée de ce que je traverse. Comme on peut se sentir seul dans cette épreuve…
J’ai d’abord perdu ma moustache, puis ma barbe, c’était dure mais je me disais que ça repousserait. Et puis un dimanche, alors que je me préparais pour aller rendre visite à mon frère, j’ai découvert deux trous dans mes cheveux, un sur le côté droit et un sur le côté gauche. Je suis allé me recoucher et quand je me suis relevé, j’ai vécu une longue journée d’angoisse qui a durée une semaine (par chance, c’était les vacances scolaires et je n’avais pas à me rendre sur le lieu de travail).
J’ai erré du canapé à mon lit en faisant parfois un arrêt devant le frigo, à focaliser sur mes cheveux, à chercher à comprendre ce qui était en train de m’arriver, à avoir peur de prendre une douche et si une nuit vers 3h du matin, je n’étais pas tombé sur cette émission « Au nom de la vie, Perdre ses cheveux : un défi pour l’estime de soi », cette journée aurait pu durer encore des semaines. Vous m’avez donné l’impulsion pour retrouver le courage, la force d’affronter ce que j’étais en train de vivre, je n’étais plus seul, quelqu’un, là-bas, me comprenait. Non ce n’est pas le cancer, oui ça n’est qu’une pelade, non ça n’est pas simple pour autant.
On ne se connait pas et j’espère ne pas vous avoir importuné avec ce long message mais cette nuit là, vous êtes devenue mon amie. Et pour cela, j’aimerais vous remercier du fond du cœur. Merci d’être cette voix, merci d’être vous et d’avoir ce courage, merci de le partager. Alexandre qui désormais, avance la tête libre. »
J’ai souvent entendu des artistes dire: « Tsé, on ne sauve pas des vies… » C’est vrai. Je ne suis pas chirurgienne cardiaque ou chercheuse d’un remède contre le cancer. Cependant, de nombreuses personnes m’écrivent, particulièrement sur mon compte Instagram (parce que j’ai souvent utilisé le hashtag « alopecia » ou « pelade », pendant ma phase tête rasée), désespérées, à la recherche de solution pour faire repousser leurs cheveux. Je n’ai pas de solution miracle, mais une chose est sûre, si c’est votre cas, je peux vous dire que vous comprends. Je vous offre ma solidarité. Vous n’êtes pas seul(e). Si jamais vous avez besoin d’en parler, je suis là. N’hésitez pas à m’écrire. On va partager nos histoires, échanger.
Vous aurez compris que je ne sauve pas véritablement des vies, certes, mais je peux peut-être sauver des âmes! 😉 Ça peut faire du bien de se confier à quelqu’un qui comprend ce qu’on vit. Ça enlève un poids. Je le sais: je me suis moi-même libérée en parlant de ma condition. Si le fait que j’ai partagé ce que je vivais peut trouver un écho chez ceux et celles qui souffrent en silence, cette prise de parole n’aura pas été vaine. Je n’aurai pas vécu cette épreuve pour rien.
Merci encore à toi, Alexandre, pour ton magnifique témoignage. Quel beau modèle tu es, pour ces enfants différents, en acceptant ta propre différence! Je te lève… mon chapeau! ❤
Source photo: Alex_Po, Adobe Stock