Un court-métrage touchant sur l’alopécie androgénétique

Dernièrement, j’ai découvert la page Facebook d’Hellopecia – L’alopécie sans tabou. En navigant sur le mur, je suis tombée sur un court-métrage d’animation fort touchant, au sujet de l’alopécie androgénétique. Même si ma condition n’est pas tout à fait la même, je me suis tout de même reconnue dans les propos de la narratrice.

J’avais envie de vous partager ce petit film, réalisé par Maya Gering. Il est anglais, avec possibilité de mettre les sous-titres en français. Je vous copie le texte ici, car lui-même résonne fort. Si vous avez envie d’en savoir plus sur la réalisatrice, elle parle de son expérience capillaire dans cette entrevue avec la journaliste Coline Paistel, sur le site d’Ouest France.

Le film de Gering est au bas du billet de blogue que vous êtes en train de lire. 👇🏽 Bon visionnement!

La Chute – Maya Gering

Il y a cinq ans, on m’a diagnostiqué une alopecia adrogénétique. C’est un terme médical pour ce qu’on appelle plus souvent la chute de cheveux héréditaire, ou pire, la calvitie féminine. Vous vous demandez peut-être à quoi ça ressemble?

Ces cinq dernières années, mes cheveux se sont affinés. La raie s’est continuellement élargie. Mes cheveux ont perdu plus de 50% de leur masse. Chez moi, tout est couvert de cheveux. C’est un secret. Pendant cinq ans, je ne l’ai dit à personne. J’avais peur, je me sentais anormale. La calvitie n’était pas censée m’arriver, à moi, aux femmes!

Les cheveux sont un symbole de l’identité. C’est une des premières choses que les personnes remarquent chez les autres. Les cheveux projettent un message fort sur le mode de vie et les croyances, ainsi que sur l’âge, le genre et la classe, que nous le voulions ou pas.

Il existe une attente sociale sur l’apparence physique féminine. Les femmes sont censées avoir des cheveux. L’alopécie androgénique n’est que l’une des nombreuses conditions ou circonstances qui prouvent le contraire. Pourtant, les femmes ayant une calvitie sont invisibles. Pourquoi? Parce que la calvitie féminine est un tabou sociétal. Plusieurs millions de femmes, aux États-Unis seulement, ont une alopécie androgénétique, mais il n’y a absolument aucune représentation ou conversation sur la perte de cheveux féminine. Les seules femmes perdant leur cheveux visibles dans les médias sont des patientes victimes du cancer.

Dans notre société où il existe une corrélation claire entre la beauté et le statut social, la perte de cheveux chez les femmes est ignorée et niée. Inutile de préciser donc, qu’à l’annonce de mon diagnostic, j’ai reçu le verdict comme une condamnation à mort. Comme s’il me restait une courte fenêtre de temps pour réussir professionnellement, amoureusement et existentiellement avant que le secret de ma calvitie ne soit découvert, m’excluant inévitablement de la société.

J’ai désespérément cherché des moyens d’enrayer la chute, de récupérer mes cheveux d’avant. Malheureusement, pour les femmes,  ce n’est pas possible.

Il existe des traitements coûteux et nécessitant beaucoup d’entretien.  Cela ne les fait pas repousser, cela ralentit simplement le processus. Cependant, je n’étais pas découragée. Tous les jours, deux fois par jour, je mets 6 gouttes de minoxidil 5% sur mon cuir chevelu. Il élargit les vaisseaux sanguins pour permettre à plus d’oxygène, de sang et de nutriments d’atteindre le follicule pileux. Cela coûte 30 euros pour 3 bouteilles minuscules et bien sûr ce n’est pas couvert par la sécu. Ce spray accroît le flux sanguin vers le visage. Ça me fait rougir. Je rougis dans n’importe quelle interaction sociale. Un autre effet secondaire est la sueur. Je transpire énormément du cuir chevelu. C’est très charmant, comme vous pouvez l’imaginer.

Chaque matin, je dois appliquer du gel d’œstrogènes sur ma peau et prendre une pilule de 50 g de cyprotérone qui bloque la testostérone. Cette pilule ralentit la perte de cheveux, mais elle est également utilisée comme inhibiteur sexuel pour les délinquants sexuels, causant ainsi des ravages sur ma libido. 

En plus du spray, du gel et de la pilule, il y a le temps infini passé devant le miroir dans une bataille que j’appelle « ma lutte contre la mocheté” (my fight against ugliness) à essayer de déguiser ma perte de cheveux.

Ces 5 dernières années vivant avec la chute de cheveux, les rougissements, la transpiration, la mochetée, l’obsession m’ont dévorée à tel point que je me suis demandée si je pouvais encore être considérée comme une femme. Ma perte de cheveux est devenue de plus en plus perceptible. J’étais hyper consciente des regards sur mes cheveux.

Au fil du temps, j’ai commencé à ressentir le besoin de dire aux personnes proches de moi ce que je vivais. Je ne le voulais pas, mais, je sentais que je devais les avertir que je serais bientôt une paria de la société.

Alors, très lentement,  j’ai commencé à parler de mon alopécie androgénique. Cela a eu un effet inattendu. Plus je parlais de ma perte de cheveux, plus je la normalisais. Je me suis rendu compte que je m’étais contrainte à vivre dans le placard de la perte de cheveux.

Je comprends aujourd’hui pourquoi se cacher semblait être la seule option. Toute ma vie j’ai appris inconsciemment à penser de cette façon. Ma calvitie perturbe les critères normatifs de la beauté, elle défie l’idéal féminin. Il existe des sanctions considérable pour des femmes qui ne respectent pas les normes de beauté hétéronormative de la société.

Il ne m’est jamais venu à l’esprit de remettre cela en question. Je savais juste que je devais me cacher ou subir les conséquences. Aujourd’hui, je n’ai plus peur.

La perte de cheveux n’est pas un sujet dont parlent les féministes, et je veux justement défendre l’idée que ce sujet est intrinsèquement féministe. Nous défendons la même chose. Nous refusons d’être soumises à la discrimination patriarcale. Les femmes ne sont pas définies par les cheveux. Les femmes perdent leurs cheveux. Ce n’est pas le fin du monde et cela doit être connu et banalisé. Nos histoires doivent être répresentées.

Féministes, ceci est un appel à l’inclusion, un appel à la visibilité. Parlez aux femmes qui perdent leurs cheveux. Parlez des femmes qui perdent leurs cheveux. Votre silence répand l’ignorance. Les hommes chauves sont socialement acceptables. Ils sont même souvent considérés comme forts et virils. Qu’est-ce qui empêche les femmes d’être vues d’une manière si positive? L’attente sociale selon laquelle elles devraient avoir des cheveux. Cette attente doit être modifiée. Les femmes chauves ont le puissant potentiel de changer le discours normatif. Leur simple existence est une rébellion.

Mon existence est une rébellion. Il suffit simplement de parler de la perte de cheveux pour briser un tabou historique. Accepter ma propre perte de cheveux, c’est déclarer la guerre, faire du bruit, se révolter.

La perte de cheveux n’est plus mon démon. C’est mon cri de ralliement. Le genre est une construction sociale. Les cheveux n’ont rien à voir avec le fait d’être une femme.

L’alopécie chez l’enfant

Souffrir de pelade ou d’alopécie quand on est adulte, c’est une chose. Quand on est enfant, je pense que c’est encore plus difficile.

Dans la cour d’école, on se fait regarder de travers, parce qu’on est différent. On subit les railleries ou les questions de la part des camarades. Pour quelqu’un qui est en train de bâtir son estime de lui-même, c’est déstabilisant!

Dernièrement, je recevais ce message, sur Instagram, après avoir publié une photo de moi avec mes cheveux qui repoussent: « Dommage que les cheveux soient devenus un but… Je découvre des photos de vous et d’autres femmes sans cheveux qui ont une puissance incroyable, une beauté mise à nue qui vous scotche. Les cheveux ne sont là que pour entrer dans le moule et passer inaperçue… » En lisant cela, je me disais que cette personne devait avoir tous ses cheveux, pour juger de la sorte notre désir de voir notre chevelure repousser. Ça m’a fait un gros pincement au cœur. Avais-je tort de vouloir des cheveux, même si on m’a souvent dit que le crâne rasé m’allait bien?

La jeune fille dans la vidéo suivante l’explique bien: c’est bien de passer inaperçue, des fois. On a besoin de ne pas avoir à tout expliquer, partout, tout le temps!

Quand les cheveux repoussent ou qu’on fait le choix de porter une prothèse, ça fait du bien de se sentir « normal », de se fondre dans la masse. L’alopécie, c’est un long fleuve, mais pas tranquille du tout! Parfois, il y a des vagues. À d’autres moments, on se sent en paix avec notre condition. C’est une aventure pleine de hauts et de bas.

Je partage avec vous cette vidéo au sujet d’une jeune ontarienne ayant une alopécie universelle. C’est intéressant de voir comment cette jeune fille vit avec sa condition. Elle fait preuve d’une grande force!

À écouter et à partager, pour qu’enfin, tombent les tabous!